Lorsque, dans notre jeune âge, nous avons affaire à des adultes qui n’essaient jamais d’être au clair avec leurs propres sentiments, nous sommes confrontés à un chaos extrêmement insécurisant.
Pour échapper à ce désarroi et à ce sentiment d’insécurité, nous recourons aux mécanismes de la déconnexion et du refoulement.
Nous ne ressentons aucune peur, nous aimons nos parents, avons confiance en eux et essayons en toute occasion de nous conformer à leurs désirs afin qu’ils soient contents de nous.
C’est plus tard, seulement à l’âge adulte, que cette peur se manifeste, généralement dans notre couple, et nous ne comprenons pas ce qui se passe.
Comme dans notre enfance, nous voulons, ici aussi, afin d’être aimé, accepter les contradictions de l’autre sans souffler mot.
Une fois que nous aurons appris à vivre avec nos sentiments au lieu de les combattre, les manifestations de notre corps ne nous apparaîtront plus comme une menace, mais comme de salutaires rappels de notre histoire.
« Cependant, plus on avance en âge, plus il devient difficile de trouver auprès d’autrui l’amour parental qui nous a fait défaut durant nos premières années.
Pour autant, les attentes ne disparaîtront pas, bien au contraire: elles seront simplement transférées, principalement sur les enfants et petit-enfants. A moins que nous ne prenions conscience de ces mécanismes et n’essayions, par la levée du refoulement et l’abandon du déni, de regarder aussi exactement que possible la réalité de notre enfance.
C’est à cette condition que nous pouvons alors construire en nous l’être capable de satisfaire les besoins qui depuis notre naissance, et parfois même avant, attendre d’être assouvis. C’est alors que nous pouvons nous accorder à nous-mêmes l’attention, le respect, la compréhension, la nécessaire protection et l’amour inconditionnel que nos parents nous ont refusés.
Pour arriver à ce résultat, nous avons besoin de vivre l’expérience de l’amour pour l’enfant que nous fûmes, sinon nous ne saurons pas ce que signifie le mot aimer. Si nous cherchons à l’apprendre dans le cadre d’une thérapie, il nous faudra quelqu’un qui puisse nous accepter comme nous sommes, nous accompagner et nous protéger avec respect et sympathie, nous aider à comprendre pourquoi nous sommes devenus ce que nous sommes.
Cette expérience fondamentale est indispensable pour nous permettre d’assumer le rôle parental envers l’enfant maltraité enfoui en nous. Un éducateur désireux de nous modeler sera incapable de nous la faire vivre, tout comme un psychanalyste qui croirait que, face aux traumatismes de l’enfance, il faut rester neutre et interpréter nos récits comme autant de fantasmes.
Non, ce dont nous avons besoin, c’est exactement le contraire, à savoir d’un accompagnateur engagé, capable de partager notre horreur et notre indignation lorsque nos émotions nous feront découvrir ensemble nos souffrances de petit enfant -tout ce que nous avons pu endurer, parfois dans une totale solitude, lorsque notre âme et notre corps luttaient pour survivre.
Nous avons besoin d’un pareil accompagnateur, que je nomme témoin lucide, pour rejoindre et assister cet enfant qui est en nous, pour nous faire déchiffrer notre langage corporel et répondre à nos besoins, au lieu de les ignorer, comme ce fut longtemps le cas, comme le firent autrefois nos parents.
J’insiste sur ce point. Avec l’aide d’un accompagnateur compétent, non pas neutre mais notre allié, ils est possible de trouver sa vérité.
Alice Miller Notre corps ne ment jamais
2ème extrait :
La haine ne rend pas malade.
C’est vrai de la haine refoulée, déconnectée, mais non du sentiment vécu consciemment et exprimé.
Adultes, nous n’éprouvons de la haine que lorsque perdure une situation où l’expression de nos sentiments nous est refusée.
Dans cet état de dépendance, nous commençons à haïr. Dès que nous en sortons (et l’adulte le peut dans la plupart des cas, sauf s’il est prisonnier d’un régime totalitaire), dès que nous nous délivrons de cet esclavage, la haine s’évanouit.
Mais tant qu’il demeure, il ne sert à rien de s’interdire de haïr, comme le prescrivent toutes les religions. Il faut comprendre ce qui se passe pour pouvoir adopter ce comportement qui nous libère de la dépendance génératrice de haine.
Alice Miller Notre corps ne ment jamais
Résumé
Notre corps ne ment jamais. Quand nous tombons malades, quand nous faisons l’expérience de la dépression, de la toxicomanie, de l’anorexie…, c’est que nous sommes traversés par un conflit intérieur entre ce que nous ressentons et ce que nous voudrions ressentir.
D’un côté, il y a notre corps, qui garde intacte la mémoire de notre histoire, et tout particulièrement des mauvais traitements que nos parents ont pu nous infliger ; de l’autre, il y a notre esprit et notre volonté conditionnés par la morale et l’éducation traditionnelles à aimer et honorer, quoi qu’il arrive, ces mêmes parents.
Ce livre nous montre, à travers de nombreux exemples – notamment les vies d’écrivains célèbres- les conséquences parfois dramatiques de ce conflit, mais aussi qu’il existe, aujourd’hui, des raisons d’espérer.
Non, nous ne sommes pas obligés d’être les « bons » enfants de nos parents s’ils nous ont fait du mal et s’ils continuent de pratiquer le chantage affectif. Oui, c’est notre responsabilité que d’être attentifs aux signaux d’alerte que nous envoie notre corps. Oui, au terme de ce chemin exigeant par lequel nous acceptons de relire l’histoire de nos rapports avec nos parents, il y a l’espoir de naître à une authentique liberté intérieure.
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