Écoute-moi dans l’inconnaissance
« Quand je te parle,
quand je t’ouvre mon cœur,
quand je te partage
ce qui m’interroge,
ce qui m’inquiète,
ce qui me fait mal,
je t’en prie,
ne sais rien sur moi.
Ami, si je te demande un conseil,
je t’en prie,
ne me donne pas une injonction
à faire ou être
ce que tu crois être bon pour moi.
Et surtout,
lorsque tu vois que je ne le prends pas,
que ce que tu me dis ne me parle pas,
je t’en prie,
laisse de côté ton savoir sur moi,
lâche cette pensée, cette idée,
cette croyance.
Que veux-tu ?
Avoir raison ?
M’aider ?
Si tu veux m’aider,
je t’en prie,
entends, au-delà de mes mots,
que j’ai avant tout besoin d’accueil
pour ce que je vis,
de compréhension pour le désarroi
qui est mien,
de douceur pour la détresse
que je traverse.
Sais-tu combien mon cœur se brise
quand je vois ton regard se durcir,
ta bouche se pincer,
parce que je ne « prends » pas
ce que tu me proposes ?
À ce moment précis,
où je me suis mise à nu devant toi,
dans toute ma vulnérabilité,
je vis douloureusement
ta contrariété
et ton retrait intérieur.
Je rêve que tu m’écoutes
dans l’inconnaissance absolue :
depuis là, tu ne sais rien sur moi,
ni pourquoi il m’arrive ce qui m’arrive,
ni ce que je « devrais » faire.
Là, dans cet espace vierge de tout savoir,
le nouveau-né fragile
de mon instant apparaissant
peut trouver la douceur
d’un espace l’accueillant
avec curiosité et bienveillance.
Douceur infinie,
détente dans chacune de ses cellules
en se sentant ainsi reçu tel qu’il est…
De là, le fil délicat
de son cheminement intérieur
peut gentiment se démêler,
se dérouler, trouver sa voie,
au sein de l’espace de ton cœur
lui offrant toute la douceur
et la confiance qu’il est
en train de faire du mieux qu’il peut
et que seule l’expérience
lui offrira des certitudes
sur le choix le plus approprié pour lui.
Mon ami, je t’en prie,
quand je ne sais pas…
… ne sais pas pour moi.
Quand je ne sais pas,
si tu veux m’aider,
offre-moi plutôt ta présence aimante
pour rester avec mon « je ne sais pas » :
depuis là, en n’étant plus seule
avec ce qui m’interroge,
ce qui me pèse,
ce qui m’est douloureux,
je vais avoir les moyens
de cheminer en des lieux intérieurs
que seule, je n’aurai pas découvert.
Ami, serais-tu d’accord
de m’offrir cette présence, là,
dans l’inconnaissance,
au cœur de la Présence
qui seule permet
le pas suivant,
au cœur du Vivant ? »
- Isâ Padovani
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