« Elle n’aimait pas, elle avait une passion.
L’amour et la passion sont deux différents états de l’âme que poètes et gens du monde, philosophes et niais confondent continuellement.
L’amour comporte une mutualité de sentiments, une certitude de jouissances que rien n’altère, et un trop constant échange de plaisirs, une trop complète adhérence entre les cœurs pour ne pas exclure la jalousie.
La possession est alors un moyen et non un but ; une infidélité fait souffrir mais ne détache pas, l’âme n’est ni plus ni moins ardente ou troublée, elle est incessamment heureuse, enfin le désir étendu par un souffle divin d’un bout à l’autre sur l’immensité du temps nous le teint d’une même couleur : la vie est bleue comme l’est un ciel pur.
La passion est le pressentiment de l’amour et de son infini auquel aspirent toutes les âmes souffrantes.
La passion est un espoir qui peut-être sera trompé.
Passion signifie à la fois souffrance et transition, la passion cesse quand l’espérance est morte.
Hommes et femmes peuvent, sans se déshonorer, concevoir plusieurs passions, il est si naturel de s’élancer vers le bonheur ! mais il n’est dans la vie qu’un seul amour.
Toutes les discussions, écrites ou verbales, faites sur les sentiments, peuvent donc être résumées par ces deux questions : Est-ce une passion ? Est-ce l’amour ? »
Honoré de Balzac