Marcus Malte : Le cœur, fiston. Pas de muscle plus tendre. Une éponge. Il pourrait tout absorber .
Il pourrait tout contenir. Et cependant, dit-il, ce qui est plus étonnant encore, c’est que les hommes passent l’essentiel de leur existence à l’endurcir et à l’assécher. «
Marcus Malte (« les hommes » avec un H majuscule évidemment)
Le garçon de Marcus Malte
Regarde, fiston, parce qu’un jour tu ne verras plus. Ecoute, parce que tu n’entendras plus. Sens, touche, goûte, étreins, respire. Qu’au moins tu puisses affirmer, le moment venu, que cette vie qu’on te retire, tu l’as vécue.
Le garçon de Marcus Malte
Et de grâce faites que le mystère perdure. L’indéchiffrable et l’indicible. Que nul ne sache jamais d’où provient l’émotion qui nous étreint devant la beauté d’un chant, d’un récit, d’un vers.
Le garçon de Marcus Malte :
Joseph parle peu. Lorsqu’il s’exprime c’est par des sortes d’apologues qu’il délivre d’une voix grave, sans inflexions et fixant devant lui quelque chose qui ne se trouve pas là mais ailleurs, dans un autre cercle du temps. Et le garçon écoute. Si le sens de ces paroles lui demeure souvent inaccessible, leur sobre mélodie en revanche lui va droit au coeur. Elle le pénètre, elle le charge, elle le nourrit, et son coeur devient si plein et si gros que le garçon est souvent contraint d’élargir sa poitrine d’une vaste inspiration. Est-ce seulement le flux sonore qui lui cause cet effet ?
Le rythme ? Les vibrations ? Il a déjà connu semblable sensation quand au crépuscule parfois il surprenait sa mère dans ses conversations solitaires. Il la connaîtra à nouveau plus tard à la faveur d’une mélodie particulière issue du pavillon d’un hautbois. Mais quoi ? Qu’est-ce exactement ? On l’ignore. Et de grâce faîtes que le mystère perdure. L’indéchiffrable et l’indicible. Que nul ne sache jamais d’où provient l’émotion qui nous étreint devant la beauté d’un chant, d’un récit, d’un vers.
Le garçon de Marcus Malte :
N’est-ce pas le propre de l’amour que d’éblouir et d’émerveiller ? De rendre divin ce qui ne serait qu’humain ? (p. 207)
Le garçon de Marcus Malte :
Ils sont vaillants , ils sont pugnaces, ils sont intrépides, ils sont courageux, ils sont valeureux, ils sont tués. On leur érigera des mausolées. On y gravera leurs noms. On commémorera. Puis on oubliera.
Il est mort le poète de Marcus Malte :
« La même erreur qu’on reproduit… C’est souvent là qu’est la source de nos maux : dans le refus de reconnaître nos erreurs. Et par conséquent de les corriger. »
Le garçon de Marcus Malte :
D’infimes flocons se posent doucement sur lui, sur ses cils, sur ses joues, dans sa bouche: sa face d’ange saupoudrée de paillettes d’apocalypse.
Le garçon de Marcus Malte :
Qu’on le sache, ils sont purs ! Pur leur désir, pur leur cœur, pure leur âme. Sans une profonde et véritable innocence ils seraient incapables de se livrer avec une telle ferveur, une telle liberté, incapables de faire preuve de cette absence quasi totale de retenue. Bien terrestre est leur paradis et ils y sont et ils y restent.
Chasse gardée. Le temps n’est pas encore venu où on les en exclura. La malédiction n’est pas prononcée, le terrible et inique anathème. Aucune instance suprême ne les montre du doigt, aucun séraphin ne croise au-dessus de leurs têtes. Ou alors c’est qu’ils ne les voient pas ? Aveugles aux yeux des juges. Ils ne cherchent pas d’excuses, pas de justification à leur conduite – l’oiseau devrait-il se justifier de voler ? le lion de rugir ? Remords et repentir leur sont étrangers. Ils ne s’amendent pas. Ils n’ont rien à déclarer hormis une phénoménale cargaison d’hormones en fond de cale. Et s’ils vont à confesse c’est dans un autre sens qu’il faut l’entendre.
Ni dieu ni maître en définitive. C’est l’anarchisme des sens. Un joyeux foutoir.
Le garçon de Marcus Malte :
(…) dimanche n’a pas de sens à ses yeux. Ni lundi ni jeudi. (…)
Il lui est impossible d’imaginer que des savants aient songé à disséquer le temps, à le découper, à le fractionner et à donner à chacune de ses parcelles, aussi infime soit-elle, un nom ou un numéro, un matricule destiné aux horloges et aux calendriers. Le diviser pour quoi ? Pour mieux régner ? (p. 88-89)
Il est mort le poète de Marcus Malte :
C’est souvent là qu’est la source de nos maux: dans le refus de reconnaître nos erreurs. Et par conséquent de les corriger.