J.M.G Le Clézio :
Le silence est l’aboutissement suprême du langage et de la conscience.
J.M.G Le Clézio :
À l’île Maurice, mon cousin prêtre, le père Souchon, célèbre des mariages entre musulmans et chrétiennes. Il porte une chasuble moitié blanche avec un morceau de croix, et moitié verte avec un croissant. Il dit : » Vous élèverez les enfants comme vous voudrez. «
Extrait d’un billet paru dans le 1 n°41 du mercredi 28 janvier 2015
J.M.G Le Clézio:
Écrire est un besoin, c’est à l’intérieur de vous-même, ça a besoin de sortir, et de sortir sous cette forme. [..] Il faut avoir lu des auteurs, les avoir digérés, avoir éprouvé le besoin de faire mieux qu’eux. Un écrivain est sans doute quelqu’un d’imparfait, qui n’est pas terminé, et qui écrit, justement, en vue de cette terminaison; qui recherche inlassablement cette perfection.
J.M.G Le Clézio :
Notre seule vraie famille est celle des livres.On y éprouve un sentiment de perméabilité avec celui qui raconte: il donne tant de force, tant de frissons.
Tempête : Deux novellas de J.M.G Le Clézio :
Et puis tout à coup, elle m’a vu. Son visage n’a pas bougé, n’a pas souri, mais j’ai vu que ses yeux s’étaient ouverts, j’ai senti le lien de son regard dans le mien, comme si j’entendais battre son cœur dans un fil.
Le livre des fuites de J.M.G Le Clézio :
Je voudrais bien écrire comme on parle. Je voudrais bien écrire comme on chante, ou comme on hurle, ou simplement comme on allume une cigarette avec une allumette, et on fume doucement, en pensant à des choses sans importance. Mais cela ne se fait pas. Alors, j’écris comme on écrit, assis sur la chaise de paille, la tête un peu penchée vers la gauche, l’avant-bras droit portant au bout une main pareille à une tarentule qui dévide son chemin de brindilles et de bave entortillées.
Désert de J.M.G Le Clézio :
Ils marchaient depuis la première aube, sans s’arrêter, la fatigue et la soif les enveloppaient comme une gangue. La sécheresse avait durci leurs lèvres et leur langue. La faim les rongeait. Ils n’auraient pas pu parler. Ils étaient devenus, depuis si longtemps, muets comme le désert, pleins de lumière quand le soleil brûle au centre du ciel vide, et glacés de la nuit aux étoiles figées. ….
C’est comme s’ils cheminaient sur des traces invisibles qui les conduisaient vers l’autre bout de la solitude, vers la nuit ….
Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit. Ils étaient apparus, comme dans un rêve, en haut d’une dune, comme s’ils étaient nés du ciel sans nuages, et qu’ils avaient dans leurs membres la dureté de l’espace.
Ils portaient avec eux la faim, la soif qui fait saigner les lèvres, le silence dur où luit le soleil, les nuits froides, la lueur de la Voie lactée, la lune ; Ils avaient avec eux leur ombre géante au coucher du soleil, les vagues de sable vierge que leurs orteils écartés, touchaient, l’horizon inaccessible.
(p7/8)
Ourania de J.M.G Le Clézio :
La guerre n’a pas de sens pour les enfants. D’abord ils ont peur, puis ils s’habituent. C’est quand ils s’habituent que ça devient inhumain. (p.18)
J.M.G Le Clézio
« J’arrivais à un point dans ma vie d’écrivain, et dans ma vie tout simplement, où j’avais des blocages. J’avais besoin, peut-être, d’un psychanalyste. Et, au lieu d’un psychanalyste, j’ai rencontré les Embera.
J’étais en crise, j’avais beaucoup de mal à continuer d’écrire des romans, cela me paraissait inutile. Et d’avoir vécu avec des personnes qui étaient dans une difficulté matérielle si grande, qui n’avaient rien et en même temps, avaient tellement confiance dans l’être humain, cela m’a redonné le goût d’écrire »
(interview lors de la 26e Foire internationale du livre de Bogota)
Le Chercheur d’or de J.M.G Le Clézio:
J’ouvre les yeux, et je vois la mer. Ce n’est pas la mer d’émeraude que je voyais autrefois, dans les lagons, ni l’eau noire devant l’estuaire de la rivière du Tamarin. C’est la mer comme je ne l’avais jamais vue encore, libre, sauvage, d’un bleu qui donne le vertige, la mer qui soulève la coque du navire, lentement, vague après vague, tachée d’écume, parcourue d’étincelles.
Lullaby de J.M.G Le Clézio:
Lullaby s’assit sur la véranda, le dos appuyé contre une colonne, et elle regarda la mer devant elle. C’était bien, comme cela, avec seulement le bruit de l’eau et le vent qui soufflait entre les colonnes blanches. Entre les fûts bien droits, le ciel et la mer semblaient sans limites. On n’était plus sur Terre, ici, on n’avait plus de racines.
Tempête : Deux novellas de J.M.G Le Clézio:
» À mon tour, je vais vous raconter une histoire, a-t-il dit. – Est-ce une histoire vraie ? » ai-je demandé. Il a réfléchi : » C’est une histoire rêvée, donc elle a quelque chose de plus vrai que la réalité. «
Ourania de J.M.G Le Clézio:
… j’ai toujours cru, au contraire, que le monde était plein de secrets. Qu’on entend un mot, une parole, et mille autres restent cachées. Que les êtres humains se servent du langage principalement pour mentir (p. 172-73)
Tempête : Deux novellas de J.M.G Le Clézio:
Quand le vent souffle, et que la mer est mauvaise, ça ne sert à rien de lancer la ligne. Les poissons restent au fond de l’eau dans leurs grottes. Monsieur Kyo reste assis dans les rochers, sans bouger, il regarde la mer. Il a une expression vraiment triste quand il regarde la mer. C’est comme si la couleur de la mer entrait dans ses yeux.
Désert de J.M.G Le Clézio:
C’est autour d’elle, à l’infini, le désert qui ondule et ondoie, les gerbes d’étincelles, les lentes vagues des dunes qui avancent vers l’inconnu.
Il y a des cités, de grandes villes blanches aux tours fines comme les troncs des palmiers, des palais rouges ornés de feuillage, de lianes, de fleurs géantes.
Il y a de grands lacs d’eau bleue comme le ciel, une eau si belle et si pure qu’il n’y en a nulle part ailleurs sur terre ….
C’est le vent du désert qui souffle,
tantôt brûlant les lèvres et les paupières, aveuglant et cruel,
tantôt froid et lent,
le vent qui efface les hommes et fait crouler les roches au pied des falaises.
C’est le vent qui va vers l’infini, au-delà de l’horizon, au-delà du ciel jusqu’aux constellations figées, à la Voie Lactée, au soleil…
Le désert déroule ses champs vides, couleur de sable,
semés de crevasses,
ridés,
pareils à des peaux mortes.
Le livre des fuites de J.M.G Le Clézio:
Ce qui me tue, dans l’écriture, c’est qu’elle est trop courte. Quand la phrase s’achève, que de choses sont restées au-dehors !
Ourania de J.M.G Le Clézio:
« Le monde est plein de choses très belles et on pourrait passer sa vie sans les connaître » (p. 29)
Désert de J.M.G Le Clézio:
Alors apparaissent des choses belles et mystérieuses. Des choses qu’elle n’a jamais vues ailleurs, qui la troublent et l’inquiètent.
Elle voit l’étendue du sable couleur d’or et de soufre, immense, pareil à la mer, aux grandes vagues immobiles. Sur cette étendue de sable, il n’y a personne, pas un arbre, pas une herbe, rien que les ombres des dunes qui s’allongent, qui se touchent, qui font des lacs au crépuscule.
Ici, tout est semblable …
Les dunes bougent sous son regard, lentement, écartant leurs doigts de sable.
Il y a des ruisseaux d’or qui coulent sur place, au fond des vallées torrides. Il y a des vaguelettes dures, cuites par la chaleur terrible du soleil, et de grandes plages blanches à la courbe parfaite, immobiles devant la mer de sable rouge.
La lumière rutile et ruisselle de toutes parts, la lumière qui naît de tous les côtés à la fois, la lumière de la terre, du ciel et du soleil.
Dans le ciel il n’y a pas de fin.
Rien que la brume sèche qui ondoie près de l’horizon, en brisant des reflets, en dansant comme des herbes de lumière – et de la poussière ocre et rose qui vibre dans le vent froid.
Désert de J.M.G Le Clézio:
Il ne parle pas. C’est-à-dire, qu’il ne parle pas le même langage que les hommes….
Peut-être qu’il parle avec le bruit léger du vent qui vient du fond de l’espace, ou bien avec le silence entre chaque souffle du vent. Peut-être qu’il parle avec les mots de la lumière, avec les mots qui explosent en gerbes d’étincelles sur les lames des pierres, les mots du sable, les mots des cailloux qui s’effritent en poudre dure, et aussi les mots des scorpions et des serpents qui laissent leurs traces légères dans la poussière….
Il porte avec lui, dans son regard et dans son langage, la chaleur des pays de dunes et de sable, du Sud, des terres âpres, sans arbres et sans eau.
Désert de J.M.G Le Clézio:
Il y a des jours qui sont plus longs que les autres, parce qu’on a faim.