Le pervers narcissique ne naît pas en tant que tel, mais il se structure très tôt au cours de son développement.
On peut dire qu’il reste « bloqué » dans une structure infantile, conservant l’égoïsme et la cruauté d’un enfant. Cette structure se forme en raison de divers facteurs, tels qu’un manque de limites imposées dans son enfance, une présence parentale insuffisante, une relation inadéquate avec sa mère, et des privilèges liés à la supériorité perçue sur les autres.
En grandissant, le pervers narcissique développe une personnalité factice et adopte différents masques pour manipuler et tromper les autres. Il ne ressent que des émotions limitées et n’a pas d’empathie réelle envers les autres. Son fonctionnement repose principalement sur la manipulation et le contrôle des personnes autour de lui pour satisfaire ses propres besoins.
Lorsqu’il est contrarié ou confronté à un refus, le pervers narcissique ressent de la colère et cherche à se venger. Il a un fantasme de toute-puissance et ne supporte pas d’être remis en question. Il utilise les autres comme des objets pour combler son vide intérieur et projette sur eux ce qu’il rejette en lui-même.
La victime d’un pervers narcissique perd progressivement son identité et sa joie de vivre.
Elle est manipulée et contrôlée, tandis que ses propres failles et fragilités sont exploitées. Elle se sent coupable, se vide de son énergie et perd son libre-arbitre sans toujours réaliser le processus auquel elle est soumise.
Il est essentiel pour la victime de comprendre que le comportement du pervers narcissique est inhumain et fou, et qu’il est incapable de changer. Comprendre le piège dans lequel elle se trouve est le premier pas pour se libérer de son emprise. La victime ne peut pas raisonner avec sa propre humanité pour comprendre le comportement du pervers narcissique. Une fois qu’elle a intégré cette réalité, elle peut se déculpabiliser et commencer à se détacher de lui, en espérant s’en sortir indemne.
Anna Freud a écrit : « L’enfant est d’une indélicatesse et d’un égoïsme intolérables. Seuls lui importent son bon plaisir et la satisfaction de ses désirs ; que d’autres en souffrent ou non, lui est indifférent…Il fait preuve de cruauté envers tout être vivant plus faible que lui, et prend plaisir à détruire les objets…Il exige impétueusement la satisfaction immédiate du moindre désir qu’il ressent, et ne tolère pas le moindre délai ».
Il est étonnant de constater que ces caractéristiques s’appliquent également au pervers narcissique (PN), qui conserve une structure infantile tout en adaptant son image à celle d’un adulte. Le PN « fait semblant » en tout, portant des masques pour tromper les autres sur sa véritable nature. Ses émotions sont limitées et il ne s’aime pas réellement, mais il cherche à renvoyer l’image d’une personne solide, brillante et infaillible. Il peut donner l’impression de se préoccuper des autres, mais en réalité, il agit uniquement dans le but d’être approuvé et de soigner son image.
Le PN provient souvent d’un milieu où être « meilleur que les autres » impliquait des privilèges, où l’arrogance était considérée comme normale voire comme une qualité. Pendant son enfance, on lui a imposé peu de limites, son père était souvent absent et disqualifié. Le PN n’a pas été élevé avec des règles claires et n’a pas été autorisé à se détacher de sa mère. Il a pu développer l’illusion d’être impunément le remplaçant du père auprès de sa mère, ce qui a conduit à l’éviction du père. La mère a peut-être eu un comportement inconstant et inapproprié qui n’a pas permis à l’enfant de se sentir rassuré. L’indulgence constante de ses parents ne lui a pas appris à gérer ou à tolérer la frustration, et cette dynamique se répète à l’âge adulte.
Le pervers narcissique est donc quelqu’un qui n’a jamais été reconnu pour sa véritable personnalité. Il a été victime d’un investissement narcissique important de la part de ceux qui l’ont élevé (parents, grands-parents…) et a été contraint de construire un jeu de personnalités factices conformes à l’image narcissique souhaitée par eux. On attendait de lui qu’il soit le meilleur, et il en a conclu que ses besoins affectifs ne seraient satisfaits que s’il répondait à ces attentes. Il est donc faux et n’en a aucune conscience.
En grandissant, il est resté immature et considère que les autres doivent tout faire pour lui éviter la frustration. Il est incapable d’accepter un refus ou un échec. Un fantasme sous-jacent existe : celui d’être un enfant depuis toujours et à jamais irrésistible. Il se comporte comme un enfant qui ne supporte pas d’être pris en défaut, contrarié ou frustré. Tout doit tourner autour de lui. Il ne supporte pas le conflit intérieur et dès qu’il en rencontre un, il le projette sur les autres, refusant d’admettre ses propres erreurs.
Devenu adulte, il est une sorte de robot qui « fait semblant » d’être humain, mais qui manque d’une véritable humanité. Il simule des émotions pour paraître « normal », mais en réalité, il ressent peu ou pas d’émotions, ne souffre pas et ne peut donc pas comprendre la souffrance des autres (manque d’empathie).
En observant attentivement un manipulateur narcissique (PN), on peut remarquer que ses émotions « fausses » ne durent jamais très longtemps.
C’est semblable aux enfants qui feignent des pleurs ou de la tristesse pour attirer l’attention et la compassion de leurs parents, mais qui changent instantanément de comportement dès qu’ils sont distraits par autre chose. Au fil des années, le PN a affiné sa façon de fonctionner, mais son inauthenticité transparaît lorsque l’on sait qui il est réellement et que l’on sait observer.
Le manipulateur destructeur est un « imposteur » qui vit derrière différents « masques » qu’il adapte en fonction de ses interlocuteurs et des émotions qu’il souhaite susciter. Sa seule motivation est la manipulation. Il agit comme un caméléon ou un « marionnettiste », comme le suggère Paul-Claude Racamier. Il considère les personnes qui l’entourent comme des objets (des marionnettes) dont il tire les ficelles pour les faire agir selon ses désirs, afin de satisfaire ses propres besoins.
Lorsque le PN est contrarié ou qu’il rencontre un refus, il ressent une colère sourde et éprouve le besoin de se venger.
Comme un enfant, le pervers narcissique va « faire payer » à celui qui a osé remettre en question son autorité. Il fantasme sur le sentiment de toute-puissance et doit sentir qu’il contrôle les personnes et les situations, car sinon, il éprouve une angoisse de mort. Il est dépourvu d’empathie, de compassion et de chagrin réel. Le « chagrin d’amour » d’un PN correspond simplement à la perte de son objet (il « n’aime pas », il « a besoin de… »). Il est contrarié, rien de plus. C’est la raison pour laquelle un PN chevronné trouve rapidement une nouvelle proie après une rupture. « Cet objet de la perversion narcissique est donc interchangeable : rien de plus et rien de moins qu’une marionnette. C’est un ustensile, un objet ustensilitaire », comme le décrit Racamier dans son livre « Les perversions narcissiques ».
Le PN a « besoin » d’un objet, d’une proie (d’une chose) pour exister, pour subsister. Il souffre d’un sentiment d’incomplétude, il est vide, morose, triste, éternellement insatisfait et dépendant des autres, car il n’existe que par le reflet qu’on lui renvoie. Pourtant, il s’efforce de faire croire qu’il est tout le contraire : fort, brillant, infaillible et autonome. Il va donc devoir obtenir des autres ce dont il a besoin sans le leur demander, et pour cela, il utilisera la manipulation comme unique mode de fonctionnement. Le manipulateur narcissique (PN) a besoin d’un principal « objet », un partenaire qui peut combler son vide et lui servir de poubelle psychique.
Il projette sur cette personne tout ce qu’il rejette, n’aime pas ou refoule, et il lui reproche ensuite. La proie est généralement une personne sincère, spontanée, créative et pleine de joie de vivre, car il ne possède aucune de ces qualités précieuses. Tel un vampire, il absorbe ces traits positifs et les fait siens. Sa proie doit également avoir des failles importantes qui lui permettent de planter ses griffes et de jouer avec elles. Ces failles peuvent être des fragilités et des peurs telles que la dépendance affective, la peur de l’abandon ou le manque de confiance en soi.
Le PN prend tout ce qui est bon chez l’autre et rejette en lui tout ce qu’il rejette chez lui-même. Il agit comme un prédateur moral.
La victime va perdre son identité, se vider de sa joie de vivre et de sa créativité. Dans le même temps, ses failles vont se rouvrir et ses fragilités vont ressurgir. Elle se sentira coupable de ce qu’elle est et de tout ce qu’elle pense mal faire. De joyeuse et lumineuse, elle deviendra triste et terne. Elle perdra son libre-arbitre, se sentira vidée, déprimée, sans toujours prendre conscience du processus dont elle est victime.
La notion d’être humain « inhumain » est une clé qui aide la victime épuisée à trouver des explications. La compréhension du processus et de la notion de « piège » permet de faire le premier pas vers la sortie de l’emprise. On ne peut pas comprendre le comportement du PN en se basant sur notre propre humanité, il faut simplement accepter qu’il est fou sous un masque de normalité et qu’il ne peut pas être soigné.
La victime qui cherche à comprendre s’épuise.
Lorsqu’elle a intégré, avec une aide appropriée si nécessaire, que son bourreau est inhumain, fou, insoignable et très dangereux, elle se déculpabilise et peut enfin lâcher prise. Il n’y a rien à attendre de la fréquentation des pervers narcissiques, on peut seulement espérer en sortir indemne.
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