L’amour est insupportable, monsieur …
Pensez-vous que l’on puisse retrouver une femme qu’on a aimée, d’un amour différent, unique, d’un amour qu’on croyait avoir oublié ?
Est-ce qu’on quitte une femme qu’on aime ?
Je vous retourne la question. Le sacrifice, la punition, le renoncement, pardonnez-moi, c’est bon pour la littérature, “Quand on aime il faut partir », “Je t’aime donc je te quitte », “Ni avec toi ni sans toi », laissez-moi rire…
Quand on aime on s’accroche, on s’incruste, on s’agrippe, on se cramponne, on rampe, parce qu’alors il n’y a pas de limites, il n’y a pas de choix.
Et s’il s’agissait d’un amour sans repos, un Amour… insupportable ?
Par définition l’Amour est insupportable, monsieur.
L’Amour est une plaie. Au sens propre.
D’abord blanche, nette, elle ne tarde pas à saigner, parfois elle s’infecte, parfois elle se dessèche, elle démange, au-dessus d’elle se forme une croûte sombre qu’on s’efforce de ne pas arracher.
L’amour finit toujours par se transformer en cicatrice, plus ou moins vaste, plus ou moins silencieuse.
La question n’est pas de savoir si l’amour est supportable ou non. La question est de savoir si l’on se protège ou si l’on s’expose.
Si l’on vit à l’abri ou. à découvert. Si l’on est prêt à porter sur soi la trace de nos histoires, à même la peau.
Delphine de Vigan
2 ème extrait :
Je conjugue le verbe attendre, j’en épuise le sens, sur tous les modes, sur tous les tons.
J’attends le bus, j’attends mon heure, j’attends que tu viennes, j’attends mon tour, attends-moi, attends que je t’y reprenne, j’attends que jeunesse se passe, j’attends de pied ferme, j’attends le bon moment, tout vient à point à qui sait attendre, le train n’attendra pas, j’attends qu’il revienne, je l’attend comme le Messie, ça attendra demain, qu’attends-tu de moi, j’attendrai le jour et la nuit, j’attendrai toujours, je n’attends pas après toi, je n’attends pas d’enfant, j’attends q’il me rappelle, j’attends qu’il me parle, en attendant mieux, je ne m’y attendais pas, surtout ne m’attends pas.
Delphine de Vigan
Bio : Quarante-cinq ans, une femme, deux enfants, une vie confortable, et soudain l’envie d’écrire, le premier roman, le succès, les lettres d’admirateurs… Parmi ces lettres, celles de Sara, empreintes d’une passion ancienne qu’il croyait avoir oubliée. Et qui va tout bouleverser. Au creux du désir, l’écriture suit la trajectoire de la mémoire, violente, instinctive – et trompeuse.
C’est l’histoire d’une femme qu’il a peut-être oubliée, qui peu à peu se dessine, refait surface, cherche de l’air… »
Delphine de Vigan vit à Paris. Après « Jours sans faim » sous le nom de Lou Delvig, et « Les jolis garçons », recueil de nouvelles, elle signe avec « Un soir de décembre » son second roman.
« Le style de Delphine de Vigan exsude la ferveur, l’intensité et l’urgence du désir. Au plus près du corps. A vif. » Marie-Claire