J’ai aujourd’hui quatre-vingts ans. La vie est courte.
Pourtant, je suis étonné de pouvoir encore regarder le ciel et d’avoir échappé aux mille accidents qui menacent, ici-bas, la vie de chaque créature.
(…)
Je lègue aux jeunes peintres toutes les fleurs des champs.
les bords des ruisseaux, les nuages blancs et noirs
qui passent au-dessus des plaines, les rivières, les bois
et les grands arbres, les coteaux, la route, les petits
villages que l’hiver couvre de neige, toutes les prairies
avec leur magnifique floraison et aussi les oiseaux
et les papillons… c’es biens-là, ces inestimables biens
que chaque saison voit renaître, fleurir, palpiter,
ces biens-là que sont l’ombre et la lumière, la couleur
du ciel et de l’eau, ne faut-il pas nous rappeler parfois
qu’ils sont notre inestimable patrimoine, instigateurs
de chefs-d’œuvre ?
Trésor commun.., sur lequel le fisc perd ses droits
et que peut léguer, sans déranger le notaire, un vieux
peintre dont les yeux éblouis conservent encore l’image
des champs, des prés, dont l’oreille garde le bruit
des sources… tout cela en aurons-nous assez joui ?
L’aurez-vous assez admiré ? Aurez-vous pleinement goûté
ce qu’ont d’émouvant l’aube qui pointe et la journée
que l’on ne reverra plus, pour en fixer sur la toile
le sentiment profond et éternel ?
Je n’ai jamais rien demandé. La vie m’a tout donné.
J’ai fait ce que j’ai pu. J’ai peint ce que j’ai vu.
(Maurice Vlaminck)
Maurice Vlaminck est un peintre de nationalité française s’étant démarqué dans les courants fauviste et cubite. Peintre de figures, portraits, nus, paysages, paysages animés, paysages urbains, intérieurs, natures mortes, fleurs et fruits, peintre à la gouache, aquarelliste, graveur, dessinateur et illustrateur, il est aussi écrivain, publiant plus de vingt livres : romans, essais et recueil de poèmes.