« Je ne vieillis pas, je prends de l’âge » :
Aznavour
Je suis amoureuse de mon corps.
Et je ne sais vraiment pas s’il en va de même pour toutes les femmes de cinquante ans.
Ce n’est pas un cliché… c’est vrai.
Mes seins ne ressemblent plus à ceux de mes 20 ans, parce que d’une certaine façon ils sont bien mieux : lorsqu’ils se déposent dans une bouche, celle-ci est la réminiscence indélébile des bouches que j’ai mises au monde.
Ce n’est plus seulement du miel mais aussi du lait, du lait, du lait, ce mot si beau.
Des seins qui ont été tétés goulûment, puisque je suis une petite vache laitière, il reste des souvenirs aussi placentaires que ceux d’une de ces lèvres tendres.
Légers dans leur gravité, tièdes, plus gros que ceux que j’exhibais sans soutien-gorge en ces temps lointains, mes seins alimentent l’imagination de qui je désire et qui me désire. Ils possèdent ces mamelons énormes et rythmiques, ils sont d’une immense sensorialité qui s’accorde aux râles de la bouche qui les attend.
Ils ne tremblent pas : ils font trembler.
Mes chairs ont macéré la passion dont j’ai pris soin tout au long de ces années, et aussi le poème. Elles présentent une douceur particulière, une région secrète pour chaque caresse, où tout était exposé auparavant, et un étonnement sans cesse renouvelé ; parce que je me découvre en elles.
Les lignes autour de ma bouche (je les ai découvertes récemment) ne sont belles que lorsque je souris, et je n’ai aucun mal à sourire, ainsi je peux être belle en permanence ! Les tâches de rousseur sur mes cuisses ne sont plus imparfaites : elles se sont métamorphosées en une carte qui ne peut être déchiffrée qu’avec la langue, une langue, la langue qui les ra-compte.
Mes cheveux, sauvages comme toujours, sont parsemés de quelques épis secs (moins qu’avant) mais ils désespèrent les doigts de qui m’aime et essaie de voir mes yeux au moment crucial de la plénitude des corps … comme il en a toujours été. J’aime mon âge comme je n’ai su en aimer aucun autre. J’aime ce que je sais de moi et ce que j’en donne.
Je ne souhaite revenir à aucun moment de mon histoire : je suis entière, je suis en amour, je suis vivante et je le sais, j’habite tout cela.
Texte original en espagnol de Martha Rivera-Garrido
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