« Certaines journées pèsent plus lourd que d’autres. Parfois, il ne se passe rien pendant des semaines et tout à coup, comme si le destin ou un dieu facétieux voulait tester vos limites, vous vous en prenez plein la tête de partout. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que la tête soit la cible la plus fragile chez moi ; par contre, le coeur… »
© Gilles Legardinier – Et Soudain Tout Change
Extrait 2
En novembre dernier, alors que mon père aidait un voisin à réparer son cabanon de jardin, derrière, coincés entre la clôture et la paroi, ils ont découvert une chatte, probablement sauvage, morte, à côté d’un de ses petits, mort également. Mais un autre chaton était encore vivant. Il était tout maigre et ne miaulait même plus. Roulé en boule, ses pattes repliées, il était blotti contre le corps froid de sa mère. Tout le monde a trouvé ça très triste et chacun a expliqué pourquoi le pauvre avorton, étant donné son état lamentable, n’en avait sans doute plus pour longtemps. Il y a eu ceux qui ont dit que la nature était parfois cruelle mais qu’elle nous dépassait, d’autres qui ont décrété que c’était la faute à pas de chance, et j’ai aussi entendu la voisine d’en face déclarer que Dieu allait le rappeler à lui et qu’il irait au paradis des chats.
Quand, une semaine plus tard, sa machine à laver a cramé et qu’elle s’est plainte à tout le quartier, j’aurais dû lui dire que c’était Dieu qui l’avait rappelée et qu’elle irait au paradis des machines à laver… Ils m’ont tous énervée. Moi, ce petit bout de chat m’a bouleversée. Les causes perdues sont ma spécialité. Alors que tout le monde était déjà passé à autre chose, je l’ai pris dans mes mains. Il était tout sale, je sentais ses os fragiles sous sa peau et, dans un miaulement à peine audible, il a ouvert ses petits yeux encore bleutés. Depuis combien de temps était-il là, abandonné à son sort ? J’étais convaincue que l’avoir trouvé était une chance et que nous ne l’avions pas découvert pour le regarder crever. Si Dieu existe, je crois qu’il est plus du genre à orchestrer ce genre de rencontre plutôt qu’à « rappeler » les chats perdus à lui. J’espère qu’il a mieux à faire, sinon on a un vrai problème.
© Gilles Legardinier – Et Soudain Tout Change
Extrait 3
Il fait déjà nuit, un peu froid. Après la fin des cours, nous avons quitté le lycée aussi vite que possible. La perspective d’avoir à traverser la moitié de la ville par ce temps hivernal ne réjouit personne, mais nous sommes tous décidés. Il a fallu ruser pour obtenir l’adresse.
Une brume humide flotte sur les rues désertes. Sur le bitume, les réverbères projettent des cercles lumineux que nous traversons les uns après les autres, comme des pions parcourant un plateau de jeu de l’oie. A la dernière case, une petite victoire nous attend peut-être.
Pauline traîne derrière, comme une enfant que l’on emmène contre son gré. C’est pourtant à cause d’elle que nous sommes là, pour l’aider et la soutenir. Seule, elle n’aurait jamais eu le courage d’affronter Mlle Mauretta.
A quelques pas devant, Axel et Léo marchent en discutant de la meilleure façon d’effondrer un pont de chemin de fer. Allez comprendre les garçons… Ils ont déjà avalé au moins deux paquets de gâteaux. Derrière eux, j’avance aux côtés de Marie en essayant de les suivre. Léa n’est pas là, et elle me manque.
Notre petit groupe se connaît depuis des années, pour certains depuis la maternelle. Même si nous n’étions pas toujours dans les mêmes classes, nous ne nous sommes jamais perdus. Cette année – la dernière au lycée – nous sommes enfin tous réunis. J’en rêvais à chaque rentrée, et c’est arrivé in extremis, avant que tout le monde ne prenne des directions différentes. Je savoure cette chance tous les jours. J’aime être au milieu de mes amis. J’aime l’idée d’avoir rendez-vous avec eux, d’avoir des choses à faire ensemble. Je les considère comme ma deuxième famille. Je ne sais pas s’ils éprouvent le même sentiment parce que personne ne parle de ces choses-là, mais moi je sais que je les aime, et que c’est d’abord pour les retrouver que je suis heureuse de partir en cours chaque matin.
Je ne sais plus exactement comment nous avons pris l’habitude de nous sortir de nos galères ensemble. A quel moment avons-nous compris que cela marchait mieux ? Je crois que la première fois, c’était en CM1, lorsque Léa s’est fait voler sa trousse en récréation par une petite brute de 6e. Elle pleurait si douloureusement que j’avais juré d’aller la reprendre par la force s’il le fallait. J’étais tellement furieuse que ni la taille du voleur, ni le fait qu’il soit deux classes au-dessus ne m’impressionnaient. En me voyant partir comme on part à la guerre, Axel, qui était déjà plus grand que nous, m’avait rattrapée.
– Camille, tu n’y vas pas toute seule. Je viens avec toi. –Ce texte fait référence à l’édition Broché .
© Gilles Legardinier – Et Soudain Tout Change
Résumé :
Pour sa dernière année de lycée, Camille a enfin la chance d’avoir ses meilleurs amis dans sa classe. Avec sa complice de toujours, Léa, avec Axel, Léo, Marie et leur joyeuse bande, la jeune fille découvre ce qui fait la vie.
A quelques mois du bac, tous se demandent encore quel chemin ils vont prendre. Ils ignorent qu’avant l’été, le destin va leur en faire vivre plus que dans toute une vie… Du meilleur au pire, avec l’énergie délirante et l’intensité de leur âge, entre espoirs démesurés, convictions et doutes, ils vont expérimenter, partager et se battre. Il faut souvent traverser le pire pour vivre le meilleur…Avec cette nouvelle aventure, Gilles signe un roman comme il en a le secret et qui, entre éclats de rire et émotions, nous ramène là où tout commence vraiment. Cette histoire est aussi la nôtre. Bienvenue dans ce que nous partageons de plus beau et qui ne meurt jamais.