Il était une fois, deux combavas qui s’étaient rencontrés à la suite d’un coup de foudre amoureux.
Cette chose qui surgit sans prévenir et qui emporte tout sur son passage, qui rapproche au plus intime deux êtres et qui donne surtout à chacun le sentiment d’être plus beau, plus intelligent, meilleur, d’être précieux, nécessaire et unique.
Leur attirance, leur rapprochement, leur plaisir à se trouver ensemble les avait comblés l’un et l’autre durant des mois. Ils étaient éblouis mutuellement de leur fougue, de leur passion, de leur liberté soudainement redécouverte. Naïfs, ils firent comme s’ils étaient autonomes et indépendants alors que des liens affectifs et sociaux pesaient sur l’un et sur l’autre. Durant les deux premières années, ils s’accordèrent parfaitement, se sentaient bien ensemble, se parlèrent peu et firent de nombreux voyages.
Un jour, ils décidèrent d’un rituel pour marquer leur engagement l’un envers l’autre,(…)
ils se soutiendraient et partageraient le meilleur d’eux-mêmes. Ce dont ils n’avaient pas conscience, c’est qu’après cette période idyllique, ils allaient voir émerger du fond de leur histoire, et de façon totalement imprévisible, quelques unes de leurs souffrances liées aux blessures de l’enfance. C’est un des risques de toute relation intime que le comportement, les paroles, les gestes parfois les plus anodins, les plus insignifiants, retentissent de façon violente sur une situation inachevée de chaque histoire personnelle, sur un aspect de l’enfance associé à des humiliations, des injustices, des trahisons ou des sentiments d’impuissance.
Elle, par exemple, ne pressentait pas que sa propre insécurité, ses doutes, son besoin de réassurance pour pouvoir s’abandonner pleinement lui faisait très souvent mettre à l’épreuve la relation avec l’autre. Tout cela avec des paroles, des attitudes qui faisaient douter de la solidité de ses engagements, parfois l’entrainant dans des comportements qui disqualifiaient même la présence de son partenaire. Elle ne se doutait pas qu’elle touchait ainsi chez l’autre l’image de soi. Image de soi qui est le noyau fondamental sur lequel la personne peut s’appuyer et se réfugier en cas de doute, de fragilité et d’insécurité.
Lui-même ignorait que chaque fois qu’il ne tenait pas ses engagements, chaque fois qu’il se complaisait dans l’improvisation de l’instant, qu’il inventait un projet trop nouveau, il allait réveiller une angoisse, provoquer malaise et mal-être chez sa partenaire qu’il aimait et qu’il appréciait, mais qui dans ses moments-là, se fermait et se réfugiait dans le silence, se bloquait sur des refus tant elle avait besoin de prévoir, d’organiser et de contrôler le surgissement de l’imprévisible dans sa propre vie.
Ainsi, chacun avec sa sincérité aveugle provoquait chez l’autre combava justement ce que lui-même et l’autre redoutaient le plus. L’un et l’autre sécrétaient avec constance des comportements qui allaient se révéler toxiques, violents et extrêmement déstabilisants pour l’équilibre intime de leur relation dans la durée.
Tout se passait comme si chacun envoyait à l’autre le message suivant :
« Je ne peux te donner le meilleur de moi, car avant tu dois me montrer que tu m’acceptes tel que je suis, même quand je suis déstabilisant pour toi ».
Chaque séquence s’emboîtait quasi automatiquement pour préparer la séquence suivante qui les faisait l’un et l’autre souffrir d’incompréhension. Ainsi, malgré eux, se mettaient en place toutes les conditions d’une séparation qu’ils ne souhaitaient pas réellement. Car il est difficile de savourer le bon, le bienveillant, quand votre ventre se révolte au souvenir de vieilles peurs, quand votre gorge se durcit de tous les silences refoulés (…)
Il n’y a pas de solution facile à une telle situation. Accuser, reprocher, mettre en cause l’autre, c’est faire toujours plus pour entretenir ce qu’on voudrait voir disparaître. C’est collaborer au maintien d’une situation qui devient de plus en plus invivable.
D’un autre côté, ne rien dire et ne rien faire, tolérer, subir, attendre, c’est ne pas respecter une partie de soi qui justement demande reconnaissance, c’est comme piétiner ses propres valeurs.
Il serait souhaitable d’inviter les deux combavas à prendre le temps de se parler, non sur les perceptions et les ressentis immédiats, non sur les petites pollutions inévitables du quotidien, mais d’oser parler des blessures secrètes non cicatrisées toujours à vif au plus profond de chacun. D’exprimer comment elles sont éveillées par le comportement ou les paroles de l’autre, dévoilant ainsi des abîmes de souffrances et de peurs qui envahissent le présent et polluent la disponibilité dans la relation, faisant engranger trop de déceptions et de frustrations. De partager enfin sur l’impact aveugle de l’autre sur les blessures d’enfance de chacun.
Cela suppose de prendre le risque de se mettre à nu de l’intérieur et de rencontrer la face cachée de soi-même. Cela demande beaucoup de courage, de lucidité et d’amour de soi…
Certains combavas y arrivent s’ils se sentent suffisamment portés par l’amour de l’autre, s’ils se sentent suffisamment aimés pour affronter un tel dévoilement de soi. C’est par l’écoute respectueuse de soi et de l’autre, par l’attention du cœur et de la compassion que tout cela devient possible.
morale : S’engager sans clarifier ses attentes, ses apports et ses zones d’intolérance, c’est prendre le risque de se déchirer, de se blesser et parfois de s’aliéner mutuellement.
J. Salomé
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