Wajdi Mouawad
- Il y a des êtres qui nous touchent plus que d’autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque.
Anima de Wajdi Mouawad
2. À quoi tu décides de tenir ? Et pourquoi ? Tu n’en sais rien. L’enfant, lui, tient à un morceau de tissu. C’est rien, mais il y tient. Un morceau de tissu, une chevelure, une peau. Une femme. Des yeux. Un regard. Une femme avec des mots et une façon de mettre tous ces mots-là ensemble. Une façon de se taire et d’hésiter puis de marcher, d’embrasser. Tu crois t’être habitué à la beauté de son visage, et puis, des années plus tard, en rentrant, ça te surprend. Dans le reflet du miroir, un profil en contre-jour et tout ressurgit comme au premier instant quand ça t’est apparu la première fois et que ton coeur a chaviré et s’est mis à battre et que tu ne voulais plus que la vie soit différente de ce qu’elle était à ce moment-là. À quoi tu tiens et à quoi tu décides de tenir et ce que tu perds à la fraction de seconde où tu la perds. Je l’aimais. Elle était libre, brillante. Elle était belle, elle était drôle. Je l’aimais.
Anima de Wajdi Mouawad
3. L’humain est un corridor étroit, il faut s’y engager pour espérer le rencontrer… L’humain et un corridor et tout humain pleure son ciel disparu. Un chien sait cela et c’est pour cela que son affection pour l’humain est infinie
Anima de Wajdi Mouawad
4. Les humains sont seuls. Malgré la pluie, malgré les animaux, malgré les fleurs et les arbres et le ciel et malgré le feu. Les humains restent au seuil. Ils ont reçu la pure verticalité en présent, et pourtant ils vont, leur existence durant, courbés sous un invisible poids
Anima de Wajdi Mouawad
5. Nous, les chiens, percevons les émanations colorées que les corps des vivants produisent lorsqu’ils sont en proie à une violente émotion. Souvent, les humains s’auréolent du vert de la peur ou du jaune du chagrin et quelquefois de teintes plus rares : le safran du bonheur ou le turquoise des extases. celui-là, fatigué, épuisé, englouti par l’opacité opaline du chemin, exhale, depuis le centre de son dos, le noir de jais, couleur de la dérive et des naufrages, apanage des natures incapables de se départir de leur mémoire et de leur passé.
`Anima de Wajdi Mouawad
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6. L’enfance est un couteau planté dans la gorge.
Le sang des promesses, tome 2 : Incendies de Wajdi Mouawad
7. Ça fait un peu mal de rêver toujours. Ça rend fou, mais ce qu’il y a de plus douloureux dans le rêve, c’est qu’il n’existe pas.
8. La disparition des êtres est un coquillage vide. Tu le colles à ton oreille et dans ce vide quelque chose bruit.
9. La mort ça ne se prévoit pas. La mort, ça n’a pas de parole. Elle détruit toutes ses promesses. On pense qu’elle viendra plus tard, puis elle vient quand elle veut.
10.Le monde est immobile tant que les humains se tiennent debout.